CHAPITRE XXIX
Les retrouvailles furent dignes de ce qu’avait imaginé Yan. Sur le chemin du retour vers Coruscant, il avait eu du temps d’y penser.
Leia et les jumeaux se précipitèrent à sa rencontre dès que le Broyeur de Soleil et le Faucon Millenium se furent posés côte à côte sur la plate-forme d’atterrissage la plus élevée du Palais Impérial. Yan s’empressa de descendre l’échelle, mais son épouse le devança. Elle le serra dans ses bras alors qu’il était sur le dernier barreau.
– Heureuse de me revoir ? demanda-t-il d’un air jovial.
– Tu m’as tellement manqué ! souffla-t-elle en l’embrassant.
– Je sais, fit-il, un sourire goguenard sur le visage.
Leia recula, les mains sur les hanches :
– Et moi, je ne t’ai pas manqué ?
Yan se détourna pour dissimuler son sourire :
– Eh bien, nous nous sommes écrasés sur Kessel, puis nous avons été emprisonnés dans les mines… Ensuite, après avoir échappé à un monstre, nous avons été capturés par des Impériaux au milieu d’un amas de trous noirs. On ne peut pas dire que j’ai eu le loisir de…
Lorsqu’il vit sa femme prête à lui flanquer son meilleur crochet du droit, il cessa de jouer :
– Malgré tout, je ne me souviens pas d’avoir vécu une seconde sans me dire que tu me manquais.
Leia l’embrassa encore.
D2 descendit gaiement la rampe d’accès du Faucon ; 6PO se précipita pour l’accueillir.
– D2 ! Je suis si heureux que tu sois de retour ! Tu ne me croiras jamais quand je te raconterai les périls que j’ai affrontés en ton absence !
Le droïd astromech répondit quelque chose que personne ne se donna la peine de traduire.
Kyp Durron et Qwi Xux sortirent à leur tour du Broyeur de Soleil, scrutant les tours et les flèches de la Cité Impériale, une métropole de plastique et de transparacier qui s’étendait jusqu’à l’horizon.
Les feux de position d’une multitude de navettes clignotaient dans le ciel.
– Voilà ce que j’appelle une ville ! s’écria Durron.
L’Omwati semblait dépassée par les événements.
Le Broyeur de Soleil allait être transféré dans un hangar de haute sécurité où les savants de la Nouvelle République l’étudieraient. Qwi n’aimait pas l’idée d’abandonner son invention, mais elle n’avait pas le choix.
Yan alla à la rencontre de ses enfants. Il s’agenouilla et prit Jacen et Jaina dans ses bras.
– Hé, les gosses ! Vous vous souvenez de votre papa ? Ça fait longtemps, n’est-ce pas ?
Il leur ébouriffa les cheveux, les regardant avec l’émerveillement qu’il ressentait chaque fois qu’il les voyait. Ils avaient grandi en son absence. Leur isolement sur la planète Anoth était terminé. Ses enfants resteraient avec lui.
Dans quelques années, le petit Anakin les rejoindrait.
Jacen hocha la tête ; l’instant d’après, Jaina l’imitait. Yan n’était pas sûr de croire à leur réponse, mais il les serra contre lui.
– Eh bien, si vous ne vous rappelez pas, j’essaierai de me rattraper !
Portant l’uniforme bigarré d’une administration étrangère, un officiel essoufflé coinça Lando au coin d’un bar du secteur diplomatique. Une mallette blindée en main, il affichait l’air pincé d’une personne qui surestime l’importance de sa mission.
– Etes-vous Lando Calrissian ? J’essaie de vous localiser depuis plusieurs jours. Vous m’avez rendu la tâche difficile.
Calrissian vit qu’il ne pouvait pas battre en retraite. Assis à sa table, Yan leva un sourcil. Tous deux étaient venus boire un verre après le long débriefing du Haut Commandement de l’Alliance. Hélas, le bar était ouvert aux bureaucrates en tout genre, et il ne servait que des boissons non alcoolisées.
Les deux compagnons d’infortune regardaient leur verre, évitant autant que possible de grimacer de dégoût.
Lando avait entendu dire qu’un détective le recherchait ; jusque-là, il était parvenu à l’éviter.
Il craignait que quelqu’un ne vienne lui réclamer une ancienne dette, ou se plaindre des raffineries de gaz Tibanna qu’il avait abandonnées sur Bespin, ou encore lui parler des mines de Nkllon.
– Oui, vous me tenez enfin, soupira-t-il. Que me voulez-vous ? Je peux obtenir le meilleur avocat de la Cité Impériale pour me défendre.
– Ce ne sera pas nécessaire, dit l’autre, posant sa mallette blindée sur la table. Je serai ravi de me débarrasser de ça.
Il ouvrit la valise ; une vive lumière en sortit.
Plusieurs personnes se retournèrent, attirées par la lueur. La mallette était remplie de gemmes.
– Je viens de la planète Dargul, et voici la récompense offerte par la duchesse Mistal pour le retour de son consort, Dack. Vous pouvez demander une estimation, mais ces joyaux valent en gros un million de crédits. Sans compter la mallette, qui en vaut quarante mille.
Incrédule, Lando écarquilla les yeux :
– Un million ?
– Un million, plus quarante mille crédits pour la valise.
– Mais je devais recevoir la moitié de la récompense seulement !
L’homme fouilla dans sa poche :
– J’oubliais de vous donner ça. C’est un message de Slish Fondine, le propriétaire du haras de blobs qui vous a aidé à capturer Dack.
Il tendit à Calrissian un holocube.
Lando le retourna dans sa main, le front soucieux, puis il l’ouvrit.
Une image holographique de Fondine apparut :
– Salutations, Lando Calrissian. Puisque vous écoutez ce message, je pense que vous avez reçu la récompense. Je suis heureux de vous apprendre que votre suggestion de ne pas faire exécuter le criminel Tymmo était inspirée.
« La duchesse Mistal était si heureuse de revoir son consort qu’elle a décidé de vous faire don de la totalité de la récompense, et de financer pour moi la construction d’un nouveau champ de courses dans le stade principal d’Umgul. Nous sommes en train d’engager des concepteurs pour préparer des blobstacles plus spectaculaires pour le blobodrome qui, à la demande de la duchesse, s’appellera la « Piste Dack ».
« Je vous fais parvenir la récompense et j’espère que vous userez avec sagesse de votre fortune. Pourquoi ne pas venir sur Umgul parier sur nos blobs ? Je serais ravi de votre visite.
Le message holographique disparut ; pétrifié, Lando resta un long moment immobile, ne pouvant détourner le regard de l’holocube.
Yan éclata de rire, puis il fit signe à l’enquêteur de s’asseoir :
– Venez boire un verre. Prenez même le mien ! Il est trop sucré pour moi.
Sans quitter son air bourru, le petit homme secoua la tête :
– Non, merci. Je ne crois pas que j’apprécierais. Je préfère retourner à mon travail.
Ce disant, il quitta le bar.
Solo tapa sur l’épaule de Calrissian :
– Que vas-tu faire de cette fortune ? Tu veux toujours investir dans les exploitations minières ?
Son ami revint d’un seul coup à la réalité :
– Je déteste l’avouer, mais quand Moruth Doole nous a fait visiter son installation, j’ai vraiment été impressionné par le potentiel des épices. Tu le savais aussi, autrement tu n’aurais pas fait de la contrebande à l’époque de l’Empire.
– Tu marques un point…
Lando continua de peser le pour et le contre :
– Je ne vois pas pourquoi les exploitations minières devraient être dirigées par des esclavagistes. Il serait facile d’automatiser l’extraction et le traitement. Même s’il reste des araignées d’énergie, nous pourrons utiliser des droïds équipés de refroidisseurs dans les tunnels les plus profonds. Ce n’est pas un gros investissement. Je ne vois pas où est le problème.
Solo le regarda d’un œil sceptique, puis il but une gorgée :
– Hum…
– De plus, continua son ami, il me faut un nouveau navire. J’ai été obligé d’abandonner le Lady Luck sur Kessel. Jamais je ne la retrouverai ! Que vais-je faire ?
Remarquant les regards interloqués des autres clients du bar, Lando referma sa mallette :
– Enfin, de toute manière, il est bon de se savoir à nouveau solvable !
– Tout le monde à bord ! s’écria Wedge Antilles sur le spatioport de la Cité Impériale. Nous sommes prêts à partir.
Les derniers sociologues, spécialistes en colonisation et instructeurs de la Nouvelle République embarquèrent avec leurs bagages sur le transport de personnel.
Le navire, long de quatre-vingt-dix mètres, occupait la majeure partie d’un hangar du secteur marchand. Le groupe avait besoin d’un vaisseau assez grand pour transporter les survivants d’Eol Sha et leurs maigres possessions, ainsi que le matériel nécessaire à l’établissement de la nouvelle colonie de Dantooine.
Wedge pointait une liste sur son bloc-notes informatique. Au moins, cette responsabilité était-elle plus gratifiante que la démolition des ruines… En tout cas pour l’instant. Il était heureux de retrouver l’espace, même s’il s’agissait d’un transport, non de son chasseur à ailes X.
Des missions plus dangereuses ne tarderaient pas. L’amirale Daala et ses trois destroyers impériaux avaient dévasté le secteur de Kessel avant de disparaître dans l’hyperespace. La Nouvelle République avait envoyé ses meilleurs pilotes sur leurs traces. Selon les assertions de Solo, Daala se préparait sans doute à des attaques terroristes, surgissant de l’hyperespace au hasard pour ravager une planète. Une femme comme elle ne s’engluerait pas dans une stratégie prévisible. La Nouvelle République devait être sur ses gardes.
Chewbacca avait demandé qu’une force de la République soit envoyée sur le Complexe de la Gueule pour libérer les esclaves wookies. Le Haut Commandement, lui, souhaitait mettre la main sur les autres plans et les prototypes restés dans le laboratoire secret.
Le temps de l’ennui est fini, pensa Antilles. Les choses vont s’accélérer d’ici peu…
Pour l’instant, sa mission consistait à transporter les colons d’Eol Sha sur leur nouveau monde.
Quand il eut terminé de vérifier sa liste, il remarqua Gantoris, seul près d’une pile de caisses d’équipement. L’air hautain, le chef de la colonie semblait néanmoins ignorer quelle attitude adopter face au départ de son peuple.
– Ne vous inquiétez pas, lui dit Wedge, nous allons les conduire sur leur nouveau monde. Après avoir vécu au milieu des volcans et des tremblements de terre, Dantooine leur paraîtra un paradis.
Gantoris hocha la tête :
– Saluez-les de ma part.
Le général lui adressa un signe de la main :
– Quant à vous, devenez un des meilleurs Chevaliers Jedi de la nouvelle génération.
Luke regarda intensément Kyp Durron, cherchant la réaction instinctive des Jedi. En dépit de son envie de baisser la tête, le jeune homme soutint le regard du maître.
– Es-tu nerveux, Kyp ? demanda Luke.
– Un peu. Devrais-je l’être ?
Une main sur l’épaule de Durron, Yan les interrompit :
– Tu aurais dû être là pour le voir trouver son chemin dans les mines. Et il nous a guidés à travers la Gueule les yeux fermés ! Ce gosse ne manque pas de potentiel, Luke !
Le Jedi hocha la tête :
– Je m’apprêtais à faire la même chose pour échapper à la flotte de Kessel. Je sais que ça a dû être difficile.
– Vous voulez dire que vous allez me prendre dans votre académie ? demanda Kyp. Je veux apprendre à utiliser mon pouvoir. Quand j’étais dans ma cellule, à bord du destroyer impérial, j’ai juré de chercher à développer mes talents pour ne plus jamais me sentir impuissant.
Luke sortit le détecteur de Force et le brandit vers le jeune homme :
– Nous allons d’abord essayer ce scanner. Tu n’as rien à craindre, Kyp. Il me sert à déterminer ton potentiel.
Quelques instants plus tard, la machine restitua une image holographique de Durron, auréolée d’une lueur bleu pâle, comme les autres Jedi.
Mais celle-ci se teinta d’une nuance plus sombre, rougeâtre…
– Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Kyp.
– Il va bien, n’est-ce pas ? s’inquiéta Solo.
Skywalker nota l’anomalie sans parvenir à l’interpréter. Peut-être une panne temporaire de l’appareil…
– Je détecte une incroyable puissance. Essayons une autre méthode.
Le jeune homme soupira de soulagement ; Luke posa les mains sur ses tempes.
– Laisse-le faire, murmura Yan. Fais-lui confiance.
Les yeux fermés, Skywalker envoya une sonde mentale dans la zone instinctive du cerveau de Kyp.
Il fut projeté à l’autre bout de la salle.
Solo et Durron se précipitèrent et l’aidèrent à se relever.
Luke secoua la tête pour recouvrer ses esprits.
– Je suis désolé ! s’exclama Kyp. Je ne sais pas ce qui m’a pris ! Je vous l’assure !
Le Jedi sourit :
– Ne t’inquiète pas. Je suis seul responsable. Kyp, tu ne manques pas de ressort ! (Il se leva et saisit le jeune homme par les épaules.) Sois le bienvenu dans mon académie. J’espère seulement que je saurai t’entraîner quand tu contrôleras mieux tes capacités !